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La Gazette de la Nutrition

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La Chapelle sur Erdre, Juin 2017

Grossophobie médicale : «C'est une angoisse à chaque fois que je dois consulter»

Vous êtes gros ? C'est de votre faute, et tous vos problèmes découlent de cela. Voilà ce qu'entendent nombre de personnes en surpoids de la bouche des médecins, une attitude douloureuse psychologiquement et qui peut mener à des erreurs de diagnostic.

Par Elsa Maudet, Libération, 8 janvier 2016

"Prescrire un régime, c'est accompagner le patient vers l'échec annoncé de son projet à long terme". Parole de diététicien-nutritionniste

Par Laurence Dardenne, Libération, 6 mai 2017, La Libre.be

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Régime amaigrissant : Ce qu’il faut faire et ne pas faire
À la suite de notre vidéo expliquant pourquoi les régimes amaigrissants ne marchaient pas, vous avez été nombreux à demander ce qu’il fallait faire pour perdre du poids. 

Par Perrine Pannetier, Que choisir.org, 6 mai 2017, La Libre.be

Pourquoi les régimes nous font grossir
 

80 à 95 % des gens qui perdent du poids le reprennent dans les cinq ans. La raison ? L’hypercontrôle alimentaire et mental que la plupart des méthodes amaigrissantes imposent. Le psychiatre Gérard Apfeldorfer dénonce cet engrenage.

Par Gérard Apfeldorfer, Psychologies.com, 

Détail de la Une

Grossophobie médicale

Vous êtes gros ? C'est de votre faute, et tous vos problèmes découlent de cela. Voilà ce qu'entendent nombre de personnes en surpoids de la bouche des médecins, une attitude douloureuse psychologiquement et qui peut mener à des erreurs de diagnostic.

 

 Grossophobie médicale : «C'est une angoisse à chaque fois que je dois consulter»

 

Mardi soir, un coup de gueule : «Tellement ras le cul d’aller voir un toubib au pif pour une bronchite et de repartir avec une lettre pour un chirurgien bariatrique. [spécialisé dans l’obésité, ndlr]» Sur Twitter, la blogueuse Daria Marx exprime sa saturation face aux rendez-vous médicaux humiliants qu’elle subit du fait de son poids. Cette fois, la médecin lui fait un bleu en lui prenant la tension, ayant l’élégance de préciser «ah bah vous êtes trop grosse pour la machine», puis lui parle rapidement de méthodes pour maigrir parce que «c’est votre état général qui est inquiétant». A elle qui venait pour une bronchite. Et qu’importe que la jeune femme soit suivie par un cardiologue n’ayant rien décelé de problématique.

Daria Marx @dariamarx

Bon du coup elle m'a prescrit un medoc qui est contre indiqué avec mon traitement psy (que je lui ai indiqué) ...

17:37 - 5 Janv 2016

«C’est une angoisse à chaque fois que je dois consulter un nouveau médecin, parce que je sais qu’on va se focaliser sur mon poids», explique Daria Marx à Libération. Lors d’une consultation pour une angine, elle se voit rétorquer qu’elle va «crever jeune» à cause de son surpoids. Une autre fois, un gynécologue lui balance, sans l’ausculter, qu’elle n’aura jamais d’enfant car elle est trop grosse. «Ils sont persuadés qu’on a des problèmes de cholestérol, de foie. Ils sont surpris de ne rien trouver, raille-t-elle. Que vous ayez une cheville cassée ou un furoncle, ils s’en foutent. Pourtant, on peut se casser la jambe qu’on soit maigre ou gros.»

«J’ai senti de la haine contre les femmes rondes»

 

Sur Twitter toujours, la blogueuse a relayé des expériences d’autres femmes, qui viennent s’ajouter à celles que l’on peut notamment trouver sur Internet. Comme cette YouTubeuse qui venait de tomber enceinte après plusieurs fausses couches et partageait sa douloureuse expérience auprès d’une nouvelle gynécologue : la professionnelle, incapable de se réjouir pour elle, lui conseille notamment de faire un régime. Pendant sa grossesse. «J’ai senti de la haine contre moi, contre les femmes rondes, déplore-t-elle. C’est une joie pour une femme de voir son bébé dans le ventre [lors de l’échographie, ndlr] et moi je ne l’ai pas du tout vécu comme ça».

 

Matériel inadapté

 

«C’est une attitude de classe, lâche le médecin Martin Winckler.Beaucoup de médecins se considèrent comme étant au sommet de la pyramide sociale, donc ils se permettent d’intervenir de la manière qui leur convient.» C’est-à-dire à partir de ce qu’ils imaginent du patient (tous ses problèmes viennent de son poids, dont il est 100% responsable), et pas de ce qui est réellement. Or, assure le médecin, la priorité est d’écouter le patient, d’entendre les raisons de sa venue, et basta. S’il ne mentionne pas ses problèmes de poids, c’est qu’ils n’ont rien à faire dans cette consultation. «On est infantilisés, poursuit Daria Marx. On nous dit "il faut faire du sport et moins manger". Sans déconner ! Je suis au courant que je suis grosse, mais il y a mille raisons.»

Ajoutons à cela le matériel médical souvent inadapté : brassards pour prendre la tension trop petits, lits d’hôpitaux ne supportant pas les personnes en surpoids, tables d’examen trop hautes… Jusqu’aux chaises trop étroites dans les salles d’attente.

 

Docteur Couine @DrCouine

Suite au post de @Jaddo_fr sur le *poids* des mots je voulais remercier Spengler pour ces brassards aussi explicites

14:46 - 6 Janv 2016

Bien sûr, le surpoids peut provoquer des soucis de santé. «Il ne s’agit pas de nier les problèmes liés à l’obésité», précise Daria Marx. Mais, selon Martin Winckler, ils ne se révèlent que «dans certaines circonstances» et «ce ne sont jamais des risques immédiats. C’est quand même plus dangereux de conduire sans ceinture !» Et puis, le patient sait qu’il est obèse. Sa famille, ses amis, ses collègues, tout le monde prend souvent bien soin de le lui rappeler. De quoi lui ajouter de l’anxiété, or la prise de poids «est majorée par l’angoisse. Moi quand je suis anxieux, je mange, illustre Martin Winckler. Le rôle du médecin est d’abord de rassurer les gens. Quand on va voir le médecin, on va voir quelqu’un à qui on voue une confiance extrêmement grande, donc quand il vous manifeste son mépris, c’est doublement brutal.»

Erreurs de diagnostic

 

Au-delà des conséquences psychologiques, cette grossophobie médicale peut avoir des répercussions en termes de soins. Chez une femme de poids moyen ayant des problèmes de fatigue, on cherchera une hypothyroïdie. Chez une femme obèse, on parlera de paresse, et circulez. Chez une femme en surpoids, on ne pensera pas à une probabilité de grossesse. Ou on évoquera un avortement… 

Daria Marx @dariamarx

et j'avoue que 80% de ma réticence à avoir un enfant vient de ma peur du suivi médical pendant la grossesse

11:02 - 6 Janv 2016

Daria Marx @dariamarx

une copine qui s'est vu prescrire une diète alors qu'elle faisait une grossesse extra utérine ..(pas baisable donc pas de test selon le doc)

10:58 - 6 Janv 2016

Daria Marx @dariamarx

dont ma tante, sa mère se plaignait de douleurs, elle est repartie avec de l'isoméride pour maigrir, elle avait un cancer ...

10:56 - 6 Janv 2016

Daria Marx @dariamarx

une nana a qui on a prescrit du lexo et un régime alors qu'elle avait une hépatite ... je continue ?

10:59 - 6 Janv 2016

«Ça nous rend hyper rétifs à aller consulter. Les gens laissent les pathologies s’aggraver, poursuit Daria Marx. La focalisation sur le poids évite de poser des diagnostics. Il y a une médecine qui ne se fait pas.» Elle-même n’essaye même plus de consulter pour des problèmes de dos. Et opte pour SOS Médecins quand elle a un souci et que sa médecin traitante n’est pas disponible : «Ils n’ont pas le temps de chercher plus loin, ils s’occupent de votre angine et ils repartent.»

Elsa Maudet

Prescrire régime = échec

Rien ne fait plus grossir que …les régimes. Du moins à long terme et a fortiori s'ils sont stricts et restrictifs. Même s'ils font encore souvent la "Une" des magazines féminins, c'est pourtant bien le message que répandent depuis quelque temps déjà la plupart des diététiciens nutritionnistes et autres professionnels de la santé bien informés. 

C'est aussi le message qui est diffusé ce samedi 6 mai, journée internationale sans régime, par le G.R.O.S., Groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids, qui regroupe des professionnels de toutes écoles prenant en charge des personnes en difficulté avec leur poids et leur comportement alimentaire : "Le 6 mai, dites non aux régimes, non à la restriction, non au comptage de calories, non aux points alimentaires, non aux promesses qui vous conduiront à l'échec et à la reprise de poids". 

Pourquoi ne surtout pas se lancer dans un régime ? Parce que "un régime, c'est l'assurance de prendre du poids et de pouvoir encore moins le perdre et le stabiliser à terme, nous répond Vincent Gerbault, diététicien nutritionniste et responsable de la communication au G.R.O.S. C'est l'effet yoyo ascendant bien connu des patients qui nous sollicitent. Prescrire un régime, c'est accompagner le patient vers l'échec annoncé de son projet à long terme et l'assurance d'affecter durablement son comportement alimentaire". 

 

Arrêtons de propager de fausses promesses

A la question de savoir comment célébrer intelligemment cette journée, le diététicien nutritionniste nous répond: " probablement en s'arrêtant de courir après la dernière solution miraculeuse pour gérer son poids. Prendre un peu de recul, constater ce que les précédentes tentatives de régime ont produit : frustration, isolement social, reprise de poids, augmentation du poids maximum... Puis regarder son comportement alimentaire, s'interroger sur l'accord entre sa vie et ses propres valeurs, ses accidents de vie, ses souffrances passées et actuelles. Revenir aux fondamentaux, pourquoi mange-t-on ? Et peut être pousser la porte d'un professionnel formé à la prise en charge non restrictive et à l'accompagnement des personnes en souffrance avec leur poids." 

Cette journée, c'est aussi, selon ce professionnel, " l'occasion d'arrêter de propager les fausses promesses de perte de poids par les contraintes infondées et les solutions marquetées, toujours efficaces à court terme et source d'échec violent, de reprise supérieure de poids et de destruction de la confiance en soi à moyen et long termes. De rappeler également aux professionnels de santé qu'ils ont leurs responsabilités dans ces prises de poids suite à des préconisations de régimes restrictifs encore trop majoritairement prescrits pour d'hypothétiques résultats à court terme et qui provoquent des échecs cuisants et irréversibles allant à l'encontre des objectifs qui ont motivé la prescription du régime".

Une approche bio psycho sensorielle

Au départ de ce groupe de réflexion, il y a un constat commun aux fondateurs : la disproportion criante entre la complexité des problèmes et l'approche simpliste des régimes. Pourtant, "d'autres approches existent, poursuit Vincent Gerbault. Respectueuses des patients et de la physiologie. Ces nouvelles approches permettent un accompagnement suivant trois axes principaux: le sensoriel (sensations alimentaires), l'émotionnel (envie de manger en rapport à des émotions) et l'axe de l'estime de soi, de l'image de soi. Car gérer son poids, c'est aussi dans la tête."

L'approche prônée par le G.R.O.S. est en effet bio psycho sensorielle. Bio, parce que "les avancées de la recherche montrent qu’il existe des mécanismes biologiques multiples impliqués dans la régulation du poids". Psycho, parce que "la difficulté à supporter certaines émotions négatives peut conduire à des réponses alimentaires. Si ce mécanisme se répète régulièrement, il risque de provoquer une prise de poids ou une impossibilité d’en perdre. La culpabilité que peut éprouver le mangeur en restriction cognitive à consommer un aliment qu’il s’interdit, fait aussi partie des émotions négatives pouvant conduire à manger trop par rapport à ses besoins". Et sensorielle car "les mécanismes de régulation s’expriment par les sensations alimentaires de faim, rassasiement et satiété. Le respect de ses sensations permet de conserver ou d’atteindre son "set point", c’est-à-dire son poids "naturel", dont l’un des déterminants est génétique".

 

Aussi le G.R.O.S. propose-t-il de traiter la restriction cognitive, ce qui revient à manger selon ses sensations alimentaires, de tout, sans culpabilité. Il s'agit également de "reconnaître la souffrance émotionnelle et augmenter la tolérance aux inconforts émotionnels pour faire face à l'impulsivité alimentaire". Enfin, le G.R.O.S. invite à "faire un travail d'acceptation, d'estime et d'affirmation de soi". Tout un programme…
 

A savoir, à propos de notre corps…

Notre corps est en perpétuelle recherche d'équilibre, il a un instinct de survie et une mémoire. Quand on lui impose des restrictions alimentaires, il réagit sur les plans neurologique, métabolique et hormonal. Il régule son fonctionnement pour parvenir à l'équilibre (homéostasie). Et donc, une perte de poids trop rapide ou un régime draconien va à l'encontre de l'homéostasie naturelle. En réaction, le corps met en place des mécanismes de défense et le poids perdu sera aussitôt repris. Pour perdre du poids, et maintenir cet objectif de manière durable, il faut viser un changement d'alimentation et d'hygiène de vie sur le long terme. C'est-à-dire …à vie. Sachez aussi que, quel que soit le poids de départ, une perte de 10 % aura déjà un impact très positif sur la santé globale, et cardiovasculaire en particulier.

Que Choisir

À la suite de notre vidéo expliquant pourquoi les régimes amaigrissants ne marchaient pas, vous avez été nombreux à demander ce qu’il fallait faire pour perdre du poids. Soyons honnêtes : si l’on avait découvert la recette pour faire maigrir durablement, tout le monde l’appliquerait. Néanmoins, il existe quelques données scientifiques solides, qui donnent des indications sur ce qu’il faut faire et ne pas faire.

 

Vidéo Que Choisir : Régime amaigrissant - Pourquoi les régimes minceur ne marchent toujours pas
 

IL NE FAUT PAS FORCÉMENT CHERCHER À MAIGRIR

Il semble une évidence que plus on est mince, mieux c’est. Or, les canons de la mode ne sont pas ceux de la médecine. En termes de santé, on recommande souvent de viser un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 18,5 et 25 (1). Mais c’est un repère statistique qui est valable pour une population et pas forcément pour les individus. De plus, en mai dernier, une étude menée au Danemark a montré que les personnes qui avaient un IMC autour de 27 (donc en surpoids selon les critères actuels !) étaient celles chez qui survenaient le moins de décès. S’engager dans une démarche d’amaigrissement ne doit donc pas se décider à la légère.

En effet, il est bien établi désormais que les régimes présentent des dangers pour la santé : ils se soldent le plus souvent par une reprise de poids, une perte de muscle, une fragilisation des os (surtout après la ménopause), une baisse du métabolisme de base (nos dépenses énergétiques), une hausse de l’appétit et peuvent entraîner des troubles du comportement alimentaire, entre autres. En raison de ces dangers, un régime amaigrissant ne doit être entamé que s’il existe des motifs médicaux sérieux. La recherche d’une perte de poids peut se justifier pour, par exemple, soulager des douleurs articulaires, améliorer un diabète ou traiter l’hypertension… Sinon, mieux vaut chercher à stabiliser son poids, à ne pas grossir donc.
 

MIEUX VAUT PRIVILÉGIER UN RÉGIME ALIMENTAIRE ÉQUILIBRÉ

En 2010, l’Agence nationale de l’alimentation (Anses) avait passé au crible divers régimes à visée d’amaigrissement. Du régime « soupe au chou » aux programmes des docteurs (Cohen, Dukan, Fricker et compères), les experts de l’agence ont constaté de nombreux déséquilibres. Par exemple : l’apport en protéines était trop important pour 80 % des phases de régimes étudiées et l’apport en fibres était insuffisant pour 74 %. Tout faux. Ces déséquilibres condamnent de fait ces régimes à être abandonnés à plus ou moins brève échéance. Or, l’adhésion au régime est essentielle. Dans une étude menée en 2009, les participants avaient regrossi au bout de deux ans mais ceux qui avaient le moins repris (perte maintenue de 9 kg en moyenne) étaient ceux qui avaient été les plus assidus aux séances organisées pour favoriser l’adhésion. Le meilleur programme minceur est sans doute celui que l’on n’arrête pas ! Il est donc moins recommandé de « faire un régime » que d’adopter un nouveau régime alimentaire au sein duquel on absorbe moins de calories.

Sur la nature du régime, on peut recommander de faire évoluer ses menus vers une alimentation de type méditerranéen (2). Ses bienfaits sur la santé ont été maintes fois démontrés, indépendamment d’une perte de poids (voir Que Choisir santé, juin 2015).

Reste une épineuse question : de combien faut-il réduire les apports énergétiques ? Un tout petit peu ? Beaucoup ? On ne sait pas. Certains experts préconisent de réduire un peu mais pas trop, pour que se crée un déficit en calories qui fait maigrir sans entraîner des privations délétères à long terme. Mais en l’absence d’études solides en la matière, difficile de donner des repères chiffrés.
 

IL FAUT ABSOLUMENT FAIRE DE L’EXERCICE

Commençons par une apparente mauvaise nouvelle : l’exercice ne fait pas perdre de poids. L’idée de maigrir en se dépensant plus, plutôt qu’en mangeant moins, était pourtant séduisante. Mais force est de constater que cela ne suffit pas. Plusieurs pistes d’explications sont proposées à ce résultat décevant. Parmi elles, une étude suggère que le corps réagit à un accroissement d’activité (comme en cas de privation alimentaire) : il devient plus efficace et donc… dépense proportionnellement moins d’énergie.

Pour autant, si l’aiguille de la balance ne bouge pas, l’exercice permet d’obtenir des bénéfices esthétiques et pour la santé, notamment cardiovasculaires, indéniables. Dans le cadre d’une alimentation avec réduction des apports caloriques, l’activité physique est le facteur n° 1 pour éviter de regrossir. En effet, l’exercice réduit la fonte musculaire liée au régime. En maintenant la masse musculaire, il évite que les dépenses énergétiques de base ne diminuent trop après les premiers mois. Il est possible aussi qu’il aide à mieux réguler la faim et donc d’ajuster ses apports alimentaires à ses besoins. L’adoption d’un nouveau régime alimentaire en vue de maigrir doit donc impérativement s’accompagner d’une activité physique régulière.

Vidéo Que Choisir : Régime amaigrissant - Pourquoi les régimes minceur ne marchent toujours pas
 

NOTES

(1) L’indice de masse corporelle (IMC) se calcule en divisant la taille (en cm) par le poids (en kg) au carré.

(2) Dans les grandes lignes, l’alimentation méditerranéenne est centrée sur les légumes, les fruits et les céréales. On y consomme de plus des fruits à coques (noix et autres) et des légumineuses, un peu de produits laitiers fermentés, du poisson, très peu de viande rouge, de l’huile d’olive et de colza. On y évite les boissons sucrées et on déguste un verre de vin si on en a envie.

Les régime font grossir

Pourquoi les régimes nous font grossir

80 à 95 % des gens qui perdent du poids le reprennent dans les cinq ans. La raison ? L’hypercontrôle alimentaire et mental que la plupart des méthodes amaigrissantes imposent. Le psychiatre Gérard Apfeldorfer dénonce cet engrenage.

Gérard Apfeldorfer

 

Sommaire

Maigrir est difficile, mais à la portée de beaucoup d’entre nous. Maigrir sans regrossir, c’est une autre paire de manches ! En réalité, 75 % des personnes qui désirent perdre du poids y réussissent dans les premiers mois, mais 80 à 95 % auront tout repris, voire plus, quelques années plus tard. A tel point qu’on peut se demander si faire des régimes est bien raisonnable. C’est finalement la conclusion à laquelle Isabelle, 42 ans, cadre de banque et experte en méthodes amaigrissantes, est arrivée : " Faire un régime, c’est modifier son physique et son mental de fond en comble. Une tâche qu’on sous-estime. " Vrai. D’un point de vue biologique, il faut d’abord tenir en échec les mécanismes naturels de régulation du poids, un système neurohormonal qui s’emploie à protéger les réserves de graisses de toute dilapidation inconsidérée. Mais, si nous sommes gros, c’est aussi souvent parce que nous faisons appel à la nourriture pour tenter de régler des difficultés psychologiques auxquelles nous ne savons pas faire face. Cesser de répondre à ses envies de manger, c’est donc se retrouver sans défense face à des pensées et émotions déplaisantes ; ou bien être confronté à des problèmes relationnels et affectifs qu’on est incapable de gérer.

C’est pourquoi, pour maigrir, on se met dans un état mental particulier : on fait abstraction de ses sensations physiques de faim et de rassasiement, ainsi que de l’appétence exacerbée pour les aliments les plus caloriques – les meilleurs au goût quand on a faim. Pour y parvenir, on encadre son alimentation de règles strictes, on se raconte des histoires à la limite du délire : les yaourts à 0 % de matière grasse seraient plus savoureux que les vrais, on ne connaîtrait rien de meilleur que les endives à l’eau, etc. On se doit aussi d’oublier tout ce qui pourrait nous faire perdre le contrôle – angoisses, chagrins, soucis, etc. – pour ne plus penser qu’à une chose : maigrir. Cette mobilisation générale autour d’une seule idée visant à occuper tout l’espace mental a été décrite, au milieu des années 70, par deux chercheurs américains, Peter C. Herman et Janet Polivy, sous le nom de " restriction cognitive ".
 

L’hypercontrôle : un état mental fragile
 

En pratique, cet hypercontrôle alimentaire et mental est souvent débordé : il suffit de se laisser tenter par une petite quantité d’aliment interdit pour sombrer corps et âme dans la perte de contrôle et manger sans frein. Puis viennent la culpabilité et le rétablissement de l’hypercontrôle : la chair est faible, on a fauté. Pour expier, serrons-nous la vis encore un peu plus ! Un effet de transgression de l’interdit (ou " abstinence violation effect "), typique de l’état de restriction cognitive.

Herman et Polivy ont repéré une multitude de situations qui nous font basculer dans la compulsion alimentaire : les émotions – joie, colère, tristesse – ; la déprime ; le stress ; mais aussi des événements anodins comme une sensation d’inconfort physique ou psychologique – fatigue due à un rhume, arrivée des règles, dîner entre amis avec une petite consommation d’alcool, etc. Autant d’exemples qui suffisent à nous désinhiber et nous faire plonger.
 

Des mécanismes voués à l’échec

Toutes sortes de régimes et de méthodes amaigrissantes s’emploient à nous soutenir dans ce travail de Sisyphe : maintenir sans faille l’état de restriction cognitive. Ce qu’ils nous proposent, en fait, ce sont des mécanismes de défense pour nous
protéger de nos désirs alimentaires. Des mécanismes voués d’avance à l’échec. Nous faisant miroiter une minceur toute
temporaire, ils nous incitent à renforcer encore et toujours l’hypercontrôle… jusqu’à l’effondrement final et la reprise des kilos !

On s’identifie à un gourou Une première méthode consiste à s’identifier à un gourou amaigrisseur, un médecin, ou à des personnes qui sont parvenues à perdre du poids. " J’ai eu confiance dans le régime Montignac parce que c’était un type dans mon genre, qui mangeait au restaurant un peu trop souvent et qui a lui-même connu des problèmes de tour de taille ", nous dit Jean-Marc, 34 ans, ingénieur technico-commercial. Même raisonnement pour Claire, 26 ans, secrétaire trilingue, qui s’enthousiasme pour le régime hyperprotidique du docteur Peltriaux : " Selon lui, cette méthode a marché avec Jean-Pierre Foucault, Isabelle Adjani et Yves Rénier. Alors, pourquoi pas avec moi ? Et effectivement, ça marche super bien : j’ai déjà perdu cinq kilos en deux semaines et je n’ai pas faim. C’est facile : j’avale les sachets et je ne pense pas à manger. "

Isabelle, 45 ans, a choisi une autre stratégie : " J’en suis revenue des régimes miracles. On maigrit, mais après, on reprend plus qu’on n’a perdu. Cette fois, je suis allée voir un médecin nutritionniste réputé, un type sérieux, bardé de diplômes. Avec lui, j’ai tout de suite senti que le courant passait. Désormais, je mange équilibré. Chaque fois que j’ai envie de manger quelque chose qu’il ne faut pas, je pense à lui et je me demande ce qu’il me dirait. Il ne serait pas content, ou peut-être que cela lui ferait de la peine de voir que je sabote son régime. Ça me permet de tenir. "

 

Les régimes tournent à l'obsession

On adopte des rituels rigides ou des pratiques fétichistes " Ce que j’aime, dans la méthode Gesta, c’est qu’on a droit à des cuillères de miel et à des fruits secs durant la journée. Je les mange avec délectation, presque religieusement. Ça m’aide énormément pour tenir le coup ", explique Vanessa, 21 ans, qui attaque avec assurance le troisième grand régime de sa vie. De fait, de nombreuses méthodes amaigrissantes proposent des aliments à consommer rituellement : les régimes Scarsdale ou Mayo préconisent la consommation de pamplemousses, tandis que le régime de la " soupe mange-graisse " (régime diffusé sous le manteau, prétendument mis au point par un hôpital américain pour les malades cardiaques obèses devant maigrir impérativement avant une opération chirurgicale) explique que plus on consomme de la soupe de légumes, plus on maigrit.

Bien entendu, ces régimes aboutissent à des pratiques alimentaires rigides qui se transforment souvent en obsession. " Quand je tombe sur un aliment qui n’est pas prévu dans mon régime, c’est la panique, raconte Claire. Si j’en mange, même un peu, je sais que ça fichera tous mes efforts de la semaine en l’air. Alors, je me méfie, je fais des détours pour ne pas passer devant les boulangeries quand je rentre chez moi. "

Le fétichisme va lui aussi bon train : on ne compte plus les méthodes amaigrissantes proposant des pilules et des potions, des injections plus ou moins mystérieuses, l’usage d’appareillages pseudoscientifiques, d’aimants, de lasers ou d’ultrasons. Dans certains cas, c’est le recours au groupe qui peut être fétichisé : " Je n’ai pas de volonté et je ne peux donc pas maigrir toute seule, explique Colette, 32 ans. C’est pour ça que je ne rate pas une réunion Weight Watchers. La semaine, je remplis les fiches, je fais les recettes proposées, ça me soutient. "
 

On nie la privation… jusqu’à ce qu’on craque
 

Un mécanisme de défense particulièrement efficace consiste à nier le caractère comestible des aliments qui posent problème. " Les pommes de terre ne me font plus envie. Montignac le dit bien : c’est de la nourriture pour les cochons ", explique Jean-Marc. De même, le docteur Atkins s’efforce-t-il de démontrer que le sucre raffiné est un poison violent, et que les problèmes de santé de l’espèce humaine ont commencé à partir du moment où les céréales (des glucides) sont devenues la base de l’alimentation.

Marie-Claude, 28 ans, qui entreprend en moyenne un régime " sérieux " par an, et qui, à ce rythme, a accumulé un excès pondéral de vingt kilos en dix ans, fait cette année confiance au régime de Suzan Powter. Pour celle-ci, ce sont les graisses qui sont des poisons : " Maintenant, quand j’y pense, tous ces trucs gras, ça me dégoûte. Ça me rappelle ma propre graisse que je hais. "

Puisque les aliments qu’on aimait avant son régime sont désormais des poisons répugnants, ils ne peuvent pas manquer. Le déni de la privation coule de source : " Avec le régime Powter, poursuit Marie-Claude, je ne me prive pas et, même, je mange beaucoup plus que d’habitude. Quand j’ai faim, je fais une orgie de céréales complètes, de riz, de boulgour, avec des tonnes de lentilles ou de pois chiches, le tout additionné d’un petit morceau de viande ou de poisson maigre. Je m’éclate ! " C’est grâce à ce déni de la privation que les régimes sont si reposants, si euphorisants : on ne manque pas de quelque chose qui a cessé d’exister et on se rattrape sur les aliments qui restent comestibles. Mais c’est en même temps ce qui fragilise le régime : car, dès lors qu’on entre en contact avec un aliment dont on nie l’existence, on bascule dans la compulsion alimentaire sans pouvoir se retenir.
 

Solution : manger ce qu’on aime, mais réduire les quantités


Et si on changeait plutôt de perspective ? Et si, au lieu de partir en guerre contre les bonnes nourritures, de nous raconter des histoires à dormir debout, de nier jusqu’au caractère comestible des frites et du chocolat, de prétendre que nous leur préférons les trucs vapeur et les machins à 0 %, on transformait nos aliments préférés en amis, en alliés ? Et si on décidait de maigrir en consommant… ce qu’on aime, mais dans des quantités moindres. Attention : il ne s’agit pas de manger seulement moins de biscuits ou de charcuterie, mais de manger moins de tout, de nous satisfaire de façon globale de plus petites portions. Moins et mieux, telle sera notre devise. On s’attachera donc à ressentir davantage le goût de la nourriture, à faire en sorte que ce goût retrouve son rôle de régulateur des appétits. Plus on mange et moins c’est bon, alors pourquoi continuer à manger quand on est rassasié ?

Mais ce travail sur le comportement alimentaire n’est pas si simple : puisque désormais on ne mange plus des portions complètes, il nécessite que l’on fasse son deuil d’une partie de la nourriture consommable, bonne qui plus est. En outre, la perte d’une partie des aliments, mais également d’une partie de nous-même, de notre poids, renvoie toujours à d’autres pertes plus ou moins assumées.

De plus, nous l’avons vu, bien souvent, on ne mange pas par faim, mais pour gommer les difficultés de notre vie, nos problèmes affectifs et relationnels. On mange quand on est insatisfait de soi, quand on a des " contrariétés ", quand on est en proie à l’ennui, à une colère non exprimée, lorsqu’on est trop joyeux, ou trop anxieux. On mange pour faire plaisir, ne pas peiner quelqu’un qui nous offre de la nourriture. On mange pour se punir, pour se révolter contre des contraintes, pour s’opposer à un tiers qui surveille ce qu’on mange. Bref, manger est notre système de défense face à toute perturbation, quelle qu’elle soit. Vivre sa vie de personne mince ne va pas sans remises en question. Dans tous ces cas, un travail psychothérapeutique sera nécessaire. En somme, si les régimes et autres " projets nutritionnels " sont des méthodes qui permettent de maigrir de façon temporaire, devenir une personne mince nécessite qu’on effectue un sérieux travail sur soi-même.

 

Injustice

Inégaux sur la balance

Pourquoi certains grossissent-ils plus que d’autres ? Les sensations successives de faim, de rassasiement et de satiété nous permettent d’adapter naturellement nos prises alimentaires à nos besoins physiologiques et de réguler notre masse grasse qui constitue notre réserve d’énergie. Lorsqu’on a maigri, la faim se fait plus pressante, l’appétence pour les aliments les plus nourrissants augmente, et il en faut davantage pour être rassasié. De plus, le corps se met à fonctionner à l’économie pour dilapider le moins de calories possible : le métabolisme se fait plus performant et on a moins envie de bouger.

Certains d’entre nous sont programmés génétiquement pour accumuler une grande quantité de réserves de graisse et fonctionner à l’économie. D’autres, ou les mêmes, mangent sans faim et ignorent leurs sensations de rassasiement lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés. Se remplir de nourriture correspond pour beaucoup à un mécanisme de défense polyvalent ; le corps gros est à la fois haï et nécessaire à leur économie psychique.
 

En guerre contre la nourriture


Les trois troubles graves du comportement alimentaires :

L’anorexie mentale
L’anorexique refuse de maintenir un poids minimum, a une peur intense de grossir et n’a souvent pas conscience de sa maigreur. Les anorexiques restrictifs contrôlent parfaitement leur alimentation, tandis qu’il arrive aux anorexiques boulimiques de craquer.

La boulimie mentale
Le boulimique est la proie d’épisodes d’hyperphagie incontrôlée durant lesquels il avale rapidement, et sans possibilité de contrôle, d’énormes quantités d’aliments. Pour ne pas grossir, il se fait vomir, ou prend des laxatifs et des diurétiques à outrance, ou pratique des jeûnes compensateurs, ou encore se livre à une activité physique frénétique. On parle de Bulimia nervosa à partir de deux crises par semaine durant au moins trois mois.

L’hyperphagie boulimique
C’est le " binge eating disorder " des Anglo-Saxons. L’hyperphage boulimique est sujet aux mêmes boulimies brutales et incontrôlables, mais ne se fait pas vomir, si bien qu’il est le plus souvent en excès de poids. Il souffre à la fois de celui-ci et de sa boulimie. On parle d’hyperphagie boulimique à partir de deux crises par semaine sur une période de six mois.

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